Red Hot Chili Peppers: une basse
FRED JOURDAIN & MARTIN PARROT :
UNE DISCUSSION
« It’s gonna get played ! - Flea »
Comment en es-tu arrivé à collaborer avec le FEQ et le projet de Basse pour Flea ?
J’ai toujours eu comme objectif de travailler avec le Festival d’été de Québec. Le FEQ enflamme la ville de Québec chaque été pendant deux semaines. Je le fréquente depuis l’adolescence et j’ai assisté à des centaines de concerts dont plusieurs resteront à jamais gravés dans ma mémoire. C’est un des plus grands festival de musique du monde.
J’ai toujours trouvé que leur visuel était un peu corporatif et j’avais envie de travailler à faire évoluer ça vers quelque chose de visuellement plus intéressant.
Il y a quelques années, j’ai demandé à rencontrer les organisateurs pour discuter de la possibilité de collaborer avec eux.
En 2015, on a eu une première rencontre. Il y avait un certain intérêt, une curiosité, mais sans plus. Toutefois, l’année suivante, ils m’ont contacté pour que je crée un visuel directement sur une guitare pour un des artistes qui se produirait au festival. On a jasé de plusieurs scénarios et finalement c’est à Flea, le bassiste de Red Hot Chili Peppers qu’on a décidé d’offrir l’instrument.
Pourquoi un instrument?
C’était l’idée de Louis Bellavance, le directeur de la programmation du festival. Il voulait remettre un souvenir personnalisé à certains artistes importants lors de leurs visites sur les planches du FEQ, sorte de prix honorifique plus personnalisé qu’un simple trophée honorifique. C’est un amateur de guitares de collection et un ami de Pierre-Luc Asselin, fondateur de Guitares PL, un luthier exceptionnel et très en demande. C’est lui qui a fabriqué la basse sur laquelle j’ai peint. C’était très emballant comme projet, sauf que le « deadline » était très serré, quelques semaines d’avis seulement… Comme d’habitude, quoi !
On a parlé de créer quelque chose sur le long terme avec des instruments de grande qualité, une collection d’instruments aux designs originaux qui prendrait de l’ampleur au fil du temps. On se disait que le mot se passerait éventuellement parmi les acteurs de l’industrie et que ça deviendrait un incontournable.
Le FEQ t’a approché fin mai et la basse était pour début juillet, non ?
Oui et je ne connaissais pas du tout le luthier, c’est Louis qui nous a présentés. J’ai senti de sa part une certaine angoisse quant aux délais puisque pour avoir une belle finition sur une guitare, il faut compter de très nombreuses couches de laque et un temps de séchage assez long entre chacune de ces couches.
Pierre-Luc et moi nous sommes rencontrés et j’ai évalué que si l'on voulait avoir le temps nécessaire pour la finition sur l'instrument, il devait me fournir le « body » de la basse la semaine suivante. Je devais ensuite terminer la peinture en quelques jours seulement. Je n’avais jamais fait ça et j’ai eu de sérieux doutes quant à la ténacité de certains pigments en réaction à la laque qui est à la base mélangée dans un solvant… J’ai dû faire des recherches et des tests en urgence pour voir ce qui allait fonctionner ou pas.
J’ai demandé conseil à des spécialistes de ces produits industriels et ça m’a permis de m’aligner sur les bons médiums à utiliser. Mes croquis étaient déjà bien travaillés, alors dès que j’ai reçu la pièce de bois sculptée par Pierre-Luc, je me suis lancé.
Ça s'est bien passé? Devais-tu faire approuver tes esquisses par le FEQ ?
Ha non, on n’a pas eu le temps pour ça, ils ont dû me faire confiance!
De plus, pour ajouter à la tension, j’ai été filmé tout au long du processus de création par une équipe de documentaristes et ça a plutôt mal commencé. Afin de sauver du temps sur la première journée de tournage, la veille, j’ai recouvert la basse de Mactac dans lequel j’avais découpé un pochoir assez complexe pour la base de mes couleurs.
C’était une étape plutôt fastidieuse. Le problème, c’est que les solvants de la laque ont absorbé la colle du Mactac. Lorsque j’ai retiré la pellicule devant la caméra, je me suis dit, ça y est, c’est une perte totale. Le « body » de la basse était tellement collant que j’ai pu la lever en apposant ma main ouverte dessus ! Il aurait fallu retirer la pellicule au bout de deux heures maximum afin d’éviter la réaction chimique. Je ne pouvais pas savoir…
J’ai appelé Pierre-Luc pour lui expliquer le désastre. Il a fait tremper la pièce dans le « thinner » pendant la nuit pour voir si on pouvait la récupérer et heureusement ça a fonctionné.
J’ai recommencé à zéro le lendemain. Disons que je n’avais plus le droit à l’erreur. La suite s’est déroulée à merveille.
Reste que Pierre-Luc et moi, on n’a pas chômé. Je me rappelle qu’il a posé les cordes et ajusté la basse le matin même de la remise !
Flea a aimé ?
Oui, on lui a donné backstage avant le show. Il a beaucoup aimé et a fait un peu de « poping » dessus entre deux gorgées de matcha. Il a dit : « It’s gonna get played! »
Mission accomplie !
J’ai intégré dans le dessin toute sorte de petits éléments en lien avec Flea. Les abeilles, par exemple, font référence à sa passion pour l’apiculture et le dentier mécanique qui claque avec la grande fente iconique entre les deux palettes, c'est un clin d'oeil à son sourire. On a aussi ajouté un petit piment de nacre encastré dans le manche.
L’année suivante, en 2017, Pierre-Luc et moi nous sommes à nouveau faits approcher, par le FEQ cette fois-ci pour faire une guitare pour James Hetflied de Metallica. Malheureusement, les organisateurs n’ont pas réussi à avoir le « ok » du groupe à temps pour la remise. Le projet est donc tombé à l’eau. … mais le design, la guitare et le dessin étaient prêts. Un jour je vais peut-être la mettre en vente (rires).
Le concept de la guitare devait être assez différent pour Metallica ?
Oui ! La guitare était sculptée à la manière d’une flying V avec une twist qui rappelait le M de Metallica. Elle était toute noire, le hardware, le pick-up, tout sauf des crânes blancs que j’avais peints en éclaboussures, c’était plus simple que pour Flea, mais ça avait énormément de gueule.
On ne m’a pas relancé cette année. J’ai l’impression qu’il n’y aura eu, au final, que la basse pour Flea de produite et que ça aura été au final un « one shot ».
CRÉDITS PHOTOS
Anthony Jourdain, Catherine Côté, Fred Jourdain, Martin Poulin, Martin Côté
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Red Hot Chili Peppers: une basse
FRED JOURDAIN & MARTIN PARROT :
UNE DISCUSSION
« It’s gonna get played ! - Flea »
Comment en es-tu arrivé à collaborer avec le FEQ et le projet de Basse pour Flea ?
J’ai toujours eu comme objectif de travailler avec le Festival d’été de Québec. Le FEQ enflamme la ville de Québec chaque été pendant deux semaines. Je le fréquente depuis l’adolescence et j’ai assisté à des centaines de concerts dont plusieurs resteront à jamais gravés dans ma mémoire. C’est un des plus grands festival de musique du monde.
J’ai toujours trouvé que leur visuel était un peu corporatif et j’avais envie de travailler à faire évoluer ça vers quelque chose de visuellement plus intéressant.
Il y a quelques années, j’ai demandé à rencontrer les organisateurs pour discuter de la possibilité de collaborer avec eux.
En 2015, on a eu une première rencontre. Il y avait un certain intérêt, une curiosité, mais sans plus. Toutefois, l’année suivante, ils m’ont contacté pour que je crée un visuel directement sur une guitare pour un des artistes qui se produirait au festival. On a jasé de plusieurs scénarios et finalement c’est à Flea, le bassiste de Red Hot Chili Peppers qu’on a décidé d’offrir l’instrument.
Pourquoi un instrument?
C’était l’idée de Louis Bellavance, le directeur de la programmation du festival. Il voulait remettre un souvenir personnalisé à certains artistes importants lors de leurs visites sur les planches du FEQ, sorte de prix honorifique plus personnalisé qu’un simple trophée honorifique. C’est un amateur de guitares de collection et un ami de Pierre-Luc Asselin, fondateur de Guitares PL, un luthier exceptionnel et très en demande. C’est lui qui a fabriqué la basse sur laquelle j’ai peint. C’était très emballant comme projet, sauf que le « deadline » était très serré, quelques semaines d’avis seulement… Comme d’habitude, quoi !
On a parlé de créer quelque chose sur le long terme avec des instruments de grande qualité, une collection d’instruments aux designs originaux qui prendrait de l’ampleur au fil du temps. On se disait que le mot se passerait éventuellement parmi les acteurs de l’industrie et que ça deviendrait un incontournable.
Le FEQ t’a approché fin mai et la basse était pour début juillet, non ?
Oui et je ne connaissais pas du tout le luthier, c’est Louis qui nous a présentés. J’ai senti de sa part une certaine angoisse quant aux délais puisque pour avoir une belle finition sur une guitare, il faut compter de très nombreuses couches de laque et un temps de séchage assez long entre chacune de ces couches.
Pierre-Luc et moi nous sommes rencontrés et j’ai évalué que si l'on voulait avoir le temps nécessaire pour la finition sur l'instrument, il devait me fournir le « body » de la basse la semaine suivante. Je devais ensuite terminer la peinture en quelques jours seulement. Je n’avais jamais fait ça et j’ai eu de sérieux doutes quant à la ténacité de certains pigments en réaction à la laque qui est à la base mélangée dans un solvant… J’ai dû faire des recherches et des tests en urgence pour voir ce qui allait fonctionner ou pas.
J’ai demandé conseil à des spécialistes de ces produits industriels et ça m’a permis de m’aligner sur les bons médiums à utiliser. Mes croquis étaient déjà bien travaillés, alors dès que j’ai reçu la pièce de bois sculptée par Pierre-Luc, je me suis lancé.
Ça s'est bien passé? Devais-tu faire approuver tes esquisses par le FEQ ?
Ha non, on n’a pas eu le temps pour ça, ils ont dû me faire confiance!
De plus, pour ajouter à la tension, j’ai été filmé tout au long du processus de création par une équipe de documentaristes et ça a plutôt mal commencé. Afin de sauver du temps sur la première journée de tournage, la veille, j’ai recouvert la basse de Mactac dans lequel j’avais découpé un pochoir assez complexe pour la base de mes couleurs.
C’était une étape plutôt fastidieuse. Le problème, c’est que les solvants de la laque ont absorbé la colle du Mactac. Lorsque j’ai retiré la pellicule devant la caméra, je me suis dit, ça y est, c’est une perte totale. Le « body » de la basse était tellement collant que j’ai pu la lever en apposant ma main ouverte dessus ! Il aurait fallu retirer la pellicule au bout de deux heures maximum afin d’éviter la réaction chimique. Je ne pouvais pas savoir…
J’ai appelé Pierre-Luc pour lui expliquer le désastre. Il a fait tremper la pièce dans le « thinner » pendant la nuit pour voir si on pouvait la récupérer et heureusement ça a fonctionné.
J’ai recommencé à zéro le lendemain. Disons que je n’avais plus le droit à l’erreur. La suite s’est déroulée à merveille.
Reste que Pierre-Luc et moi, on n’a pas chômé. Je me rappelle qu’il a posé les cordes et ajusté la basse le matin même de la remise !
Flea a aimé ?
Oui, on lui a donné backstage avant le show. Il a beaucoup aimé et a fait un peu de « poping » dessus entre deux gorgées de matcha. Il a dit : « It’s gonna get played! »
Mission accomplie !
J’ai intégré dans le dessin toute sorte de petits éléments en lien avec Flea. Les abeilles, par exemple, font référence à sa passion pour l’apiculture et le dentier mécanique qui claque avec la grande fente iconique entre les deux palettes, c'est un clin d'oeil à son sourire. On a aussi ajouté un petit piment de nacre encastré dans le manche.
L’année suivante, en 2017, Pierre-Luc et moi nous sommes à nouveau faits approcher, par le FEQ cette fois-ci pour faire une guitare pour James Hetflied de Metallica. Malheureusement, les organisateurs n’ont pas réussi à avoir le « ok » du groupe à temps pour la remise. Le projet est donc tombé à l’eau. … mais le design, la guitare et le dessin étaient prêts. Un jour je vais peut-être la mettre en vente (rires).
Le concept de la guitare devait être assez différent pour Metallica ?
Oui ! La guitare était sculptée à la manière d’une flying V avec une twist qui rappelait le M de Metallica. Elle était toute noire, le hardware, le pick-up, tout sauf des crânes blancs que j’avais peints en éclaboussures, c’était plus simple que pour Flea, mais ça avait énormément de gueule.
On ne m’a pas relancé cette année. J’ai l’impression qu’il n’y aura eu, au final, que la basse pour Flea de produite et que ça aura été au final un « one shot ».
CRÉDITS PHOTOS
Anthony Jourdain, Catherine Côté, Fred Jourdain, Martin Poulin, Martin Côté
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